Le Lit, chantier de création
Mise en scène Alain Simon – Assistanat à la mise en scène Gilles Jolly – Dispositif scénique Jacques Brossier – Lumière Syméon Fieulaine – Photographie Caroline Peretti.
Avec Raphaëlle Bouvier, Leonardo Centi, Alice Chenu, Romain Girard, Gilles Jolly, Wilda Philippe, Maxime Potard, Alain Simon.
Le lit est un chantier de création autour d’un récit de fiction écrit en 2008 et que j’ai souhaité explorer librement sur scène en le confrontant à de nouveaux modes de relations avec les spectateurs, actions scéniques, atmosphères, images subliminales. Une ambiance sombre mais non tragique propre à favoriser le développement de l’imaginaire du spectateur.
Ma référence pour ce chantier est la méthode du Théâtre Workshop de Londres, créé par Joan Littlewood, avec qui j’ai eu la chance de travailler. Elle réunissait sur une période courte des acteurs, des plasticiens, des musiciens et autour d’un texte ou d’un thème, elle dirigeait un workshop qui aboutissait à des spectacles singuliers. J’ai déduit de cette expérience avec elle que tout spectacle devrait contenir les traces de la façon dont il avait été monté. Et dans ce chantier pour lequel j’ai réuni des acteurs, un danseur, une photographe, des musiciens, je compte travailler dans cette intention. Le texte de départ est plus dense que le texte définitif de la représentation. Sa réduction constitue une partie importante du chantier, tel le travail du sculpteur qui enlève à chaque coup de ciseau un peu du bloc de pierre. Comme dans un vrai chantier, on apporte des matériaux, ici le texte du Lit, les moyens techniques du théâtre et on viabilise, on construit… Alain Simon
« Déplacer un matelas d’une pièce à l’autre lui donnait un sentiment d’impuissance. Le poids de cet objet mou, l’absence de prise en faisaient un défi à sa puissance physique et à son adresse. La seule issue était d’avoir un corps à corps avec le matelas, en se prenant les jambes dedans, en titubant et perdant l’équilibre. C’était un combat inégal avec une bête sans squelette ni membres. Aucune prise n’était efficace. »
Au Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Provence, 29, place Miollis – réservations 04 42 38 10 45 ou theatredesateliers@yahoo.fr
Places à 15 €, Étudiants, adhérents, ATP 10 € , Pass’Arts 6 €.
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Le lit, d’Alain Simon – Texte envoyé par Andréïne Bel, chorégraphe.
À cour en avant-scène, un grand fauteuil avec le personnage assis à
la Bacon, nimbé de lumière, en apesanteur dans un monde bien réel, qui lit son “tapuscrit”.
À jardin, l’Eden n’est pas pour aujourd’hui : la pomme est un lit, il entre et sort de scène en personnage principal, assisté de sept acteurs qui en prennent soin comme on bichonne un grand malade dont on voudrait recueillir avant le néant le témoignage vital, celui de sa vie, et ses derniers souhaits.
Les sept assistants avaient eu carte blanche, pendant dix jours, pour élaborer images et tableaux que le texte lu leur tirait du corps, enchâssés dans la boîte noire du théâtre. Les
lignes de force en petite diagonale du danseur se sont renforcées, enrichies par les saynètes qui disparaissaient dans le noir pour s’étirer ailleurs : le plancher était astiqué, le lit défait, puis les draps déployés au sol comme membranes matricielles, largement déchirées.
Dans les écrins noirs veloutés des images silencieuses, la danse trouvait son élan naturel à dévider le fil de la vie des mots, distanciés à l’excès par une voix monocorde ou presque, mais il fallait bien cela pour que le verbe ne nous dévore pas tout de suite.
La dame en blanc est passée de jardin à cour derrière le lit sans que sa traîne ne fasse de remous, juste le frémissement de la jeunesse d’une taille parfaite.
Bien sûr il fallait un Djinn regardant le spectacle de la vie du haut de ce lit, il se percha sur son montant, après avoir été l’ombre de l’homme, et l’homme de l’ombre (c’est simple, le danseur est allongé au sol sur le dos, les pieds bien à l’équerre, l’homme est debout, à ses pieds face à lui; puis noir; puis les rôles s’inversent).
Les photos au mur à jardin n’étaient pas encore jaunies, la vie s’excitait devant elles, ou se mettait à onduler, après avoir sauté au plafond comme une danse à perdre le souffle.
Il y eut aussi ce moment, du corps nu dans le lit qui se délitait en se répandant au sol comme un cordon ombilical encore pulsant, rampant inexorablement mais comme à reculons vers le fauteuil et son habitant, depuis longtemps incrusté.
Enfin, ce moment inoubliable en avant-scène, où l’eau se répandait dans le noir, l’acteur en sortant mouillé
comme un moineau baptisé un jour d’automne ; je ne sais ce que faisait cet homme, tellement peu de choses, entre frémissement de volupté et frissons de froid, il a gardé l’ambigüité bien plus qu’une minute, une éternité.
Le tout sans fioriture, près de l’os.
Leda n’était jamais loin, Némésis dévêtue plusieurs fois, et séduite, finit dans le lit, puisque le vieil homme l’avait appelée de ses vœux avant de couper le fil de soi.
Seules les peaux se frôlèrent. Andréïne Bel