Jaloux de Dieu – Monologue 2, Création 2017
Photographie © Cagliari Texte et mise en scène Alain Simon
Assistant à la mise en scène Gilles Jolly – Lumière Syméon Fieulaine –
Avec Jeanne Alcaraz, Alain Simon et Mickaël Zemmit
Places à 15 €, adhérents, étudiants 11 €, Pass’arts 7 € Dossier Jaloux de Dieu création 2017
Le monde vu des mots
Si les textes sacrés parlent toujours d’un Dieu Jaloux, Alain Simon détourne l’épithète et reprenant sans grandiloquence le thème de l’artiste concurrent de Dieu (et par là maudit), intitule son nouveau spectacle Jaloux de Dieu. Reprenant la forme de Sous le signe du chien, , le comédien, auteur et interprète, joue des associations d’idées, des glissements de sens, des échos pour un Monologue 2 aussi brillant que le 1. En un cheminement à l’imparable logique, ce virtuose du langage nous conduit du thème de la « médiation et sécurisation » (premiers mots du Monologue) au portrait de la femme de Cézanne ! Entre temps, nous sommes passés par l’aéroport de Rome, les autoroutes d’Hitler, la garnison de Toul, avons croisé une foule de personnages, du coiffeur à Van Gogh, évoqué situations et souvenirs, micros évènements qui constituent l’existence, deuils, joies, par le biais d’anecdotes, de récits, mélange du sublime et du futile… goût pour les paradoxes, depuis celui d’un titre glané, Paroles sur le mime d’Etienne Decroux, aux remarques qui allient poésie et dérision, « l’ombre doit être un flirt avec le soleil »… Définir les grands élans, fascination, frustration, échecs, succès, lois des convenances, jeu des écarts, magique liberté… conquête de l’innocence qui autorise une appréhension neuve et sereine du monde, ébauche d’un art du bonheur : « celui qui en forêt ne connaît pas le nom des arbres peut jouir pleinement de sa promenade »… L’art poétique se précise avec le portrait de la mère de Cézanne, la rêverie sur le point de vue sur le détail qui noie l’essentiel… il faut alors s’efforcer de « faire comme les peintres, cligner des yeux pour perdre le détail des choses qui masquent les formes en entretenant entre elles des relations faussées par leur utilité ». Le tout s’emporte, baigné des lumières de Syméon Fieulaine, aux sons de la subtile guitare de Mickaël Zemmit, les modulations inventives de Jeanne Alcaraz, contrepoint de chœur antique… Humour, ironie, profondeur, se conjuguent avec aisance dans cette performance acrobatique qui sait si bien lire les remuements de l’âme humaine.
MARYVONNE COLOMBANI
avril Photographie © Cagliari2017
Spectacle donné au théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence du 25 au 31 mars
Photographie © Cagliari
JALOUX DE DIEU
Après Monologue 1- Sous le signe du chien, dans lequel Alain Simon nous entrainait dans le labyrinthe de ses souvenirs d’enfant et d’adulte, il poursuit, dans Monologue 2 – Jaloux de Dieu, sa quête existentielle avec la même forme littéraire, mais avec une forme théâtrale beaucoup plus élaborée.
Alors qu’il avait retenu pour Monologue 1 un jeu statique, caché derrière ses lunettes noires, sans doute en raison du caractère plus intime du texte, il opte cette fois-ci pour une mise ne scène dans laquelle il utilise le langage du corps pour enrichir le texte. Il a aussi développé ce qui n’était qu’à l’état d’ébauche dans Monologue 1 : une diction chantante qui confine parfois au chant lyrique et qui donne une force poétique et incantatoire au texte.
Il s’est adjoint pour cette performance deux artistes : Mickaël Zemmit qui soutient le texte à la guitare et au chant (comme il l’avait fait dans Monologue 1, mais avec cette fois une présence scénique plus marquée – il lui arrive même de rire et de faire bouger ses oreilles!) et Jeanne Alcaraz qui prête sa voix et son chant (sa complainte improvisée est magnifique !) en ponctuation au texte d’Alain Simon.
Quant au texte, on retrouve, comme dans Monologue 1, une pensée vagabonde qui passe sans transition d’un thème à l’autre, avec toujours les références aux comportements des chiens et des enfants qui constituent l’un des matériaux de prédilection de son enseignement. On retrouve aussi les souvenirs d’enfance, la photographie et la peinture, mais aussi des thèmes nouveaux comme les phobies, les frustrations, le poids des règles, la maladie et la mort, et bien d’autres sujets encore qui dessinent le portrait d’un homme plongé dans le chaos du monde, qui s’interroge sur le sens de la vie et qui s’émerveille d’une simple caresse sur la joue.
Un spectacle à voir de toute urgence au Théâtre des Ateliers, tous les soirs à 20h30 jusqu’au 31 mars. Pierre Le Borgne – 27 mars 2017
Jaloux de Dieu
Et bien d’autres éléments de réflexion qui font la densité de ce texte et sa forte résonance.
Performance à partir du roman d’Arundhati Roy Le Dieu des Petits Riens
Le Dieu des Petits Riens au Théâtre des Ateliers : quand un livre s’anime
Quand vient l’automne, chaque année à Aix-en-Provence, la fête du Livre s’ouvre sur les lointains, les méconnus ou les trop mal connus de la création du monde contemporain de l’écriture[1]. Cette année l’Inde d’Arundhati Roy a pris la parole. Les auditeurs spectateurs, fidèles ou nouveaux, se sont pressés dans le grand amphithéâtre de la Verrières. Médusés ils ont découvert une femme auteur, belle, pleine d’allant, de vigueur et de joie militante, parlant avec la même aisance de ses fictions et de ses essais, bouleversant pour beaucoup les croyances et les images qu’on admet paresseusement en France comme ailleurs sur le pays, les pays où elle vit et où elle a vécu, évoquant avec simplicité les menaces de mort ou les poursuites judiciaires qui marquent son existence d’écrivain. N’admettant comme inquiétude que celle qu’elle a de ne pas terminer de manière satisfaisante le roman qu’elle entreprend.
Cette année encore ce grand rassemblement ensoleillé en forme de débats, d’animations et d’explicitations s’est prolongé la nuit dans le petit théâtre laboratoire d’Alain Simon.
Le Théâtre des Ateliers de la place Miollis est en effet peu à peu devenu le prolongement naturel et discret de la Fête du Livre. On peut y passer une nuit à lire l’intégrale d’un livre de l’invité de l’année dans une mise en scène ponctuant de musique et d’images le dévoilement d’une œuvre. On peut y entendre se croiser les voix plurielles de lecteurs hommes et de lectrices femmes résonnant sur les murs peints de noir du théâtre. On peut y échanger et s’y restaurer paisiblement dans des pauses conviviales et tranquilles quand la nuit et l’œuvre avancent vers leur terme.
Cette année c’était différent. Alain Simon en annoncier majestueux et massif s’est avancé sur le plateau pour dire qu’il avait choisi de faire dire en performance le « Dieu des Petits Riens » sans livre, sans pupitre et sans lampe de chevet. Le livre des petits riens ne serait pas lu dans son entier. Seraient dits, après avoir été appris par cœur par la comédienne Élyssa Leydet-Brunel, les paysages et les lieux décrits par Arundhati Roy et habités des personnages quelle avait créés. Cela durerait 55 minutes. Alain Simon s’est effacé et sur le plateau nu, une jeune femme seule, sans accessoires aucun, sans costume exotique ni livre à lire, a regardé sans sourciller le public. La lumière s’est éteinte sur les spectateurs et Élyssa a fait apparaître le monde des petits riens. La voix changeante, les gestes sobres et les déplacements de la comédienne, un éclairage discret harmonisé à des situations toujours décrites avec précision par Arundhati Roy ont transporté magiquement les auditeurs spectateurs que nous étions dans l’univers étrange de Rahel, d’Estha et de leur famille. Quand les 55 minutes se sont terminées dans le noir d’un drame inattendu nous sommes restés immobiles et fascinés. Les applaudissements se sont prolongés longtemps. Je redécouvrais que le temps pour moi devenu ennuyeux dans un roman des descriptions et des décors était aussi et encore un plaisir à vivre. Michel Morin (16 octobre 2016)
[1] Annie Terrier , Guy Astic, Liliane Dutrait, (2011) Écritures croisées . Parcours dans les littératures du monde, Editions Rouge Profond.