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20 janvier 2018

Performance 2018 : Le Dieu des Petits Riens

par Nicole ESQUIEU

A l’occasion de la parution du Ministère du bonheur suprême, deuxième roman d’Arundhati Roy, le Théâtre des Ateliers reprend la performance donnée l’an dernier par Élyssa Leydet-Brunel dans le cadre de la Fête du Livre 2016. “Les adaptations théâtrales de romans font souvent la part belle aux dialogues, laissant le plateau et les décors se substituer aux descriptions, oubliant que les mots sont souvent les passeurs irremplaçables de leur dimension poétique et épique. Nous avons choisi de dire ces textes descriptifs en les considérant comme les matériaux d’une performance sur la parole. J’ai confié à la comédienne Elyssa Leydet-Brunel le soin de rendre compte de leur intensité. Elle a appris ces textes  et les dit pendant près d’une heure comme on descend les rapides d’un fleuve ». Alain Simon

…… Sur le plateau nu, une jeune femme seule, sans accessoires aucun,  sans costume exotique ni livre à lire, a regardé sans sourciller le public.  La lumière s’est éteinte sur les spectateurs  et Élyssa a fait apparaître le monde des Petits Riens. La voix changeante, les gestes sobres et les déplacements de la comédienne, un éclairage discret harmonisé à des  situations toujours décrites  avec précision par Arundhati Roy ont transporté magiquement les auditeurs spectateurs que nous étions dans l’univers étrange de Rahel, d’Estha et de leur famille. Quand les 55 minutes se sont terminées dans le noir d’un drame inattendu nous sommes restés immobiles et fascinés. Les applaudissements se sont prolongés longtemps. Je redécouvrais que le temps pour moi devenu ennuyeux dans un roman des descriptions et des décors était aussi et encore un plaisir à vivre. Michel Morin (16 octobre 2016)

Après un diplôme du Conservatoire d’Art dramatique d’Avignon et une licence de Lettres modernes, Élyssa Leydet-Brunel a fait partie de la promotion 2015-2016 de la Compagnie d’entraînement”. En 2016-2017  elle est lectrice de textes d’Arundhati Roy et d’auteurs coréens pour Les Écritures Croisées à la Méjanes et de Bruno Leydet au Théâtre du Hang’Art à Marseille, elle est comédienne dans Les fils barbelés avec la Cie Corps Itinérants, et dans Grand Cœur avec la Cie Intérieur. En mars 2018, elle fait partie de l’équipe artistique d’Aimer aimer, création 2018 du Théâtre des Ateliers.

Anne Randon, professeur de l’Option théâtre au lycée Cézanne, nous a envoyé ce texte :

Il y a maintenant 20 ans paraissait  Le Dieu des petits Riens , ce roman d’Arundhati Roy, qui faisait vivre son Inde

Élyssa Leydet-Brunel, 26 janvier 2018

natale, à travers Rahel, une jeune femme que son retour sur les lieux de son enfance confronte au passé. A l’occasion de la venue d’Arundhati Roy à Aix, lors de la fête du livre 2016, Alain Simon avait imaginé une performance autour de ce texte, qu’il avait confiée à Elyssa Leydet-Brunet. Son parti-pris allait à contre-courant des adaptations traditionnelles : donner à entendre non pas des dialogues, mais le souffle de l’épopée, la densité et la poésie des descriptions. C’est cette performance qui a été reprise, le vendredi 26 janvier, au Théâtre des Ateliers.

Plateau nu, espace ouvert à l’imaginaire, prêt à être peuplé de mots. Elyssa nous offre l’étonnement émerveillé d’une découverte qui semble être la sienne et la nôtre à la fois : découverte des lieux, tous sens en éveil, et parallèlement découverte de cette écriture luxuriante de l’auteur, si propre à rendre compte de la réalité exubérante de l’Inde. Réalité à laquelle elle donne chair par sa façon de faire vivre cet univers exotique et proche à la fois, réalité avec laquelle elle fait littéralement corps, tout en la mettant subtilement à distance.

Le Dieu des Petits Riens 26 janvier 2018

Et puis, en même temps que monte, à la fois brutale et attendue, mais inexorable, la tragédie, elle s’avance vers nous, lentement, comme le souvenir vers lequel tout convergeait, enfoui au fond du silence buté d’Estha. Le passé refait alors surface jusqu’à pouvoir se faire parole, et on comprend mieux cette impression de temps suspendu. Oui, tout s’est arrêté il y a 23 ans à Ayemenem. Après tant de mots, le silence. L’étonnement émerveillé du début laisse place à une incrédulité pétrifiée. Noyée Sophie, noyé le spectateur, qui comprend que ce flot de langage, semblable précisément, comme le dit Alain Simon, « aux rapides d’un fleuve », était celui de ces petits riens qui nous mènent sûrement au grand rien de la mort.

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