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30 juin 2015

Théâtre en été 2015

par TechMac

Atelier Théâtre en Été autour du Festival d’Avignon

Cet atelier de trois jours dirigé par Alain Simon prolonge les Ateliers publics du mardi qui ont lieu tout au long de l’année pour permettre au public d’accéder à des espaces de pratique théâtrale, de réflexion critique et de connaissance du théâtre contemporain et de ses auteurs. Il propose aux participants un atelier pratique et théorique au Théâtre des Ateliers avant de se rendre en covoiturage à Avignon pour voir les trois spectacles choisis dans la programmation du Festival.

Le principe de cet atelier est de déterminer et d’expérimenter à partir de spectacles vus en commun la place faite au texte sur le plateau, les codes de jeu, les filiations théâtrales, la singularité des artistes, les enjeux esthétiques et la conception du travail de l’acteur mobilisés à l’occasion de ces mises en scène.

Programme

jeudi 9  juillet :

– Atelier pratique et théorique de 16h à 18h30 au Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Pce

– 22h : Le vivier des noms   –  Texte, mise en scène et peintures  de Valère Novarina

Deuxième arche d’un pont lancé en 1986 par Le Drame de la vie, Le Vivier des noms ouvre une nouvelle fois l’entrée perpétuelle sur scène de plus de deux mille noms appelés à cheminer autour d’une Historienne peu fiable pour renverser l’espace, faire rebondir les phrases et les rendre visibles. Cloître des Carmes – durée estimée 2h11

 

Vendredi 10 juillet

– Atelier pratique et théorique de 14h00 à 16h00 au Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Pce

– 18h : No world / FPLL – Indiscipline. Conception, mise en scène et scénographie Winter Family

spectacle en français et en anglais surtitré en anglais et en français

Une traversée des neuf cercles du purgatoire dantesque pour dire avec humour et insolence notre monde de l’après saturation. Un théâtre documentaire original, visuel et sonore, pris en charge par des acteurs – danseurs – performeurs à la manière d’une TED conférence totalement décalée et volontairement embarrassante. Chartreuse de Villeneuve les Avignon –  Durée 1h

 

   – 22h : Le roi Lear     de  William Shakespeare, traduction  et mise en scène Olivier Py

Le Roi Lear, une pièce pour le vingtième siècle ? Pour le démontrer, Olivier Py propose sa propre traduction de l’œuvre de Shakespeare. Dans la Cour d’honneur, les pères humiliés errent et leurs enfants manigancent. De guerres en aveuglements, tous creusent leur propre tombe et courent vers le néant. Cour d’honneur du Palais des Papes – Durée estimée 2h30

 samedi 11 juillet 

Atelier pratique et théorique et bilan du travail de 11h30  à 13h30 au Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Provence.

Théâtre en été 2015 : retours des participants

Avignon 2015 :  No World et Le roi Lear vus par Alain Nouvel
 
A propos de No World à la Chartreuse
 
L’œuvre ouvre si elle est œuvre. Sinon, elle n’est rien. Elle doit ouvrir à soi-même, permettre à chacun de s’ouvrir à soi-même. Ainsi n’oblige-t-elle à nul chemin. A chacun de se frayer -sans s’effrayer- une voie (la sienne) dans le maquis, la forêt ou la jungle de signes qui est là. No World. Pas de monde. Non-monde. Im-monde. Le sujet de ce spectacle, s’il en a un, c’est bien celui-ci, notre univers du simulacre, l’univers des écrans, des images, des stimuli sonores, visuels, virtuels… Celui des jeux, de Facebook, de Twitter et des chaînes d’info en continu. Et ce monde virtuel est immonde parce qu’il reste opaque à qui le vit. Il se nourrit de cette opacité entretenue des pulsions de chacun, pulsions scopiques, pulsions sexuelles ou appât du gain. Pulsions. Forces innommées, innommables, bruits intestins. Ce monde est vide et pourtant plein de déchets, d’immondices, d’objets, mais vide de vie. Point de belle ligne droite ou courbe vers le Salut, point de voûtes ni de piliers dans ce temple dédié à l’envie… Point de divines perspectives. Rien que du second ou du troisième degré. De la dérision. Couleur de supermarchés et d’ennui…
C’est pourquoi la référence à Dante me semble problématique dans ce spectacle. Dante savait où il allait, lui, ses Damnés participaient à un univers voulu, formé, fixé de toute éternité et tourné vers le Bien, un univers théologique où l’au-delà restait enfermé dans le Ventre de Dieu, dans son sein sacré. Il allait, Dante, il errait certes, guidé par Virgile et la poésie néanmoins, mais cette errance allait devenir voyage initiatique et le conduire au Salut. Ici, errances en caddies internet ne conduisent vers nul salut, nulle santé. Ici, nul ventre fécond, mais au contraire, un abdomen encombré. Du bide. La surabondance des signes ne signifie plus rien de clair ni transcendant, plus rien de nourrissant. Rien n’est plus sûr ni dégagé. Les profusions d’images, de nourritures industrielles nous rendent obèses du corps et de la pensée. Mauvaise graisse. No world, no sense, no future. Immondes. Nous pensons en anglais, ça va vite, c’est formulé rapide, fast food, tout est dérisoire et sucré, pourvu que ça circule en mainstream pressé. Ca s’agite, ça bouge, ça tremble, ça distrait. Nous bouffons, déféquons en anglais. Nous sommes devenus lourds mais il y a des liquidités, nous sommes dans l’excès de non-sens, dans cet excès de non-vie.
Au moins, chez Dante, si certains souffraient mille morts dans l’éternité de leur enfer, d’autres, eux, vivaient la béatitude éternelle dans la contemplation de la Rose. Mais notre monde immonde peut-il même envisager le visage d’une divinité ? La gaîté même est triste ici. Et tout revient au même, à rien.
 
A propos du Roi Lear à la Cour d’honneur.
 
Un très beau spectacle ce Roi Lear, où Olivier Py aurait pu se passer de certains accessoires… Le cerf par exemple. Mais parlons d’abord du début, magistral. Cette ouverture solennelle face au public, ce discours du roi (aux accents gaulliens) proféré en hauteur, devant les gradins et suivi des réponses des deux premières filles et du silence de la troisième sont une grande leçon de théâtre et de mise en scène… Début impressionnant. La suite contient aussi de beaux gestes scéniques. Que l’un des gendres du roi arrive à moto, pourquoi pas. La trajectoire de celle-ci surligne l’ovale vertigineux tracé à l’encre noire sur la scène annonçant l’arène fatale, le tourbillon final qui va tout aspirer. Mais il aurait fallu que cette moto fût d’enfer, ce qu’elle est au début avec une très belle sonorisation à sa première apparition. Ensuite, elle avoue sa médiocrité : une mobylette de petite cylindrée au moteur très petit-bourgeois. Dommage. Mais il fallait bien qu’on puisse entendre le texte, tout de même, et pas seulement la moto… 
Pour aller dans le même sens: quel magnifique moment que celui où l’on dépouille la scène de son estrade de bois et où l’on retrouve dessous l’humus nu de la fatale arène !… Avec, au centre de ce vortex de terre, ce trou où vont disparaître ceux qui meurent (et il y en a beaucoup). A la fois terribles et dérisoires sables mouvants. Hélas, pendant les longues minutes de ce déshabillage de la scène, on n’écoute plus le texte, on voit se métamorphoser l’espace scénique et apparaître le noir d’un sol qui n’a plus rien de civil et sur lequel va couler le sang et où seront entassés des squelettes. Shakespeare était-il encore indispensable à Olivier Py à ce moment-là ? Ce spectacle s’adresse d’abord à ceux qui connaissent tellement le texte de Shakespeare qu’il devient comme une « basse continue », un « ostinato » obligé servant la mise en scène. Mais pourquoi pas ? J’ai aimé le baroque flamboyant de celle-ci. Shakespeare est flamboyant pour sûr et son texte appelle l’excès. En ce sens, Olivier Py lui reste profondément fidèle.
Enfin, ce surtitrage d’une des répliques du texte, accrochée ainsi au mur en grands néons : « TON SILENCE EST UNE MACHINE DE GUERRE » permet au metteur en scène de nous montrer pour quelles urgences il a monté ce spectacle aujourd’hui. Très belle phrase, rattachant Le roi Lear à Phèdre de Racine, voire au mythe de Perceval. Ces deux personnages en effet, comme Cordélia, la fille cadette du Roi, se taisent quand ils auraient dû parler. Serait-ce le drame de notre époque, cela ? Ceux qui parlent, aujourd’hui, n’ont rien à dire sinon des mensonges, et ceux qui auraient une parole vraie à proférer se taisent ou bien ne sont pas entendus. 
Autant Le Prince de Hambourg faisait l’an dernier bibelot d’époque, autant Le roi Lear a été nettoyé jusqu’à l’os de ce qu’était son temps, il parle d’aujourd’hui et pour les hommes d’aujourd’hui. A la bonne heure !

Théâtre en été vu par Florence Bernard-Colombat :
dessin 1 comp

No World

dessin 2 comp

Le Vivier des noms

 

dessin 3 comp.

Le roi Lear

 
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