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7 décembre 2022

Complicité avec un artiste : Alain Reynaud “Je me souviens de tout”

par Nicole ESQUIEU

Je me souviens de tout

de et par Alain Reynaud

Adaptation et mise en scène Alain Simon

Mardi 29 et mercredi 30 novembre à 20h30

Je me souviens de tout de et par Alain Reynaud est la première des 3 créations invitées dans le nouvel espace Complicité avec un artiste.

Clown de la Compagnie des Nouveaux Nez, directeur artistique de La Cascade Pôle national cirque Auvergne Rhône-Alpes, et du Festival d’Alba la Romaine, Alain Reynaud a joué dans la création 2008 du Théâtre des AteliersPaysage sous Surveillance de Heiner Müller. En 2009 sa collaboration avec le Théâtre des Ateliers s’est poursuivie. Après 4 séances d’improvisations d’une heure sur le thème de l’enfance d’Alain Reynaud à Bourg-Saint-Andéol enregistrées par Alain Simon  puis retranscrites, le texte Je me souviens de tout a été établi. Il a été lu dans son intégralité au Théâtre des Ateliers au cours d’une Veille théâtrale le 4 décembre suivant. Une adaptation en a été faite et mise en scène par Alain Simon pour la création 2011 du Théâtre des Ateliers, avec comme titre Voyage sur place, par Alain Reynaud et Alain Simon.  Que tout se passe au sein de cette petite ville d’Ardèche crée une similitude avec le théâtre où l’on fait d’une scène de quelques mètres carrés un lieu de résonance, de convergence d’énergies, d’échanges et de tensions. Et dans cet espace réduit on a accès à l’universel.(A Simon).

Ce spectacle a tourné en France pendant trois ans. C’est une version solo adaptée du texte original que reprend dix ans plus tard Alain Reynaud avec la complicité d’Alain Simon pour  l’adaptation et la mise en scène.

« Il y a une trentaine d’années, j’ai choisi le métier que je voulais faire : ​clown”. Cette pensée a pris nais­sance dans ma tête d’enfant. Depuis, le temps a large­ment passé.
J’ai beau­coup créé et joué aux côtés de mes parte­naires Nou­veaux Nez.

Cepen­dant une chose reste intacte dans ma mémoire : ce point de départ dans l’enfance, des rêves réal­isés (rêval­is­ables), l’impression d’un périple gigan­tesque dans un mou­choir de poche.
Com­ment regarder ce passé avec mes yeux d’aujourd’hui et un nez de clown dans mes bagages…
La ren­con­tre avec Alain Simon, c’est la ren­con­tre avec un auteur, acteur, met­teur en scène, étranger au pays clownesque dont il a pour­tant toute l’intuition ». Alain Reynaud

Zébuline Web

Le voyage sur place

« C’qui est bizarre c’est que j’ai l’impression d’avoir rien oublié de mon enfance », affirme un jour Alain Reynaud à son complice Alain Simon en incipit de sa pièce Voyage sur place. Pas besoin de madeleine proustienne ou de grive chateaubrianesque pour cet artiste qui voulait être clown et non reprendre l’entreprise familiale de menuiserie. Le voici de nouveau sur scène, seul cette fois, Alain Simon a quitté la pièce mais remodelé le texte qui garde toute la vivacité du premier (édité chez du Chassel-Les Nouveaux Nez).

À l’origine le metteur en scène avait suggéré au comédien d’improviser et de noter tous ces impromptus, matière à partir de laquelle le spectacle s’est orchestré. Si l’oubli nous effraie, tel une perte de nous-mêmes et de nos univers, son contraire est « un peu terrifiant » explique Alain Reynaud : « c’est comme les meubles de famille les souvenirs… au bout d’un moment si on a tous les meubles de sa famille dans sa maison c’est plus vivable ! […] et les souvenirs c’est un peu pareil… […] « si j’ai tous mes souvenirs intacts dans ma tête… […] va falloir songer à mettre des étagères dans le cerveau » c’est pas possible ! ».

À hue et à dia

Les souvenirs sont alors livrés dans le fantastique faux désordre de la mémoire, les lieux, les habitudes, les conversations, les tenues, l’école « d’avant l’invention de la pédagogie » que l’enfant veut quitter dès le CE1 pour faire clown, l’éducation « d’avant Dolto », le rythme de travail « d’avant les trente-cinq heures » … Des personnages émergent, puissants, rudes, tel le père « un rugueux » qui met le feu à la sciure et les copeaux déchargés au bord de la rivière. C’était « avant l’écologie », et c’est magique, le petit Alain se voit attribuer des responsabilités, participe à la vie familiale, aux travaux, mais surtout est fasciné par les majorettes. Son premier amour est la capitaine des majorettes ! Lui-même fera du tambour dans ces défilés festifs…

La narration va à hue et à dia mais retombe toujours sur ses pieds. La justesse du détail saisi sur le vif, restitué dans sa fraîcheur initiale, le rythme très allant du discours, les notes de l’accordéon vieux compagnons des fêtes et des bals d’avant les sophistications électroniques et les DJs, brossent un tableau vivant de ces temps « d’avant » sur lesquels la verve du narrateur efface le sépia et redonne des couleurs.

Cette plongée au cœur d’une petite ville, d’une époque, d’une vie, de vies, entraîne chacun au cœur de ses propres souvenirs ou de ses légendes familiales. Quel que soit l’âge du spectateur, le récit touche, émeut, fait rire, sourire. Se dessine une poétique du quotidien bouleversante dans sa simplicité.

MARYVONNE COLOMBANI

Je me souviens de tout a été joué les 29 et 30 novembre, au Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence


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