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“La compagnie d’entraînement” promotion 2025-2026 Marc-Antoine Cyr
Julie Eva Degas, Eva Cerland, Alyssa Bonnaffoux, Blanche Petit, Inès Charni, Victoire Barbot,Ulysse Gouret
Raphaël Caillens, Charline Ody, Ninon Putigny.
les élèves comédiens ont été recrutés après 11 heures d’auditions le lundi 30 septembre 2025
“La compagnie d’entraînement”
Le Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Provence a créé en 1995 “La compagnie d’entraînement» afin de permettre à dix élèves comédiens de s’insérer dans le milieu artistique professionnel grâce à un travail d’un an de création, d’essais et de recherches en relation avec le public d’un théâtre implanté, en privilégiant le travail en compagnie. Cette formation intensive de 900 heures par an et gratuite s’adresse à des futurs comédiens et s’appuie sur l’expérience acquise par le Théâtre des Ateliers dans le domaine de la formation depuis plusieurs années. De fréquents rendez-vous avec le public, les échanges des élèves entre eux, l’intervention d’artistes invités pour des séminaires, l’accompagnement théorique et pratique font l’originalité de cette formation. Chaque promotion est associée à un auteur contemporain, et les élèves expérimentent, recherchent, s’entraînent sur son œuvre tout au long de leur formation, et travaillent avec lui au cours d’un séminaire de trois jours en vue de la création en juin d’une de ses œuvres pour 7 représentations.
Auteur associé à la promotion 2025-2026 : Marc Antoine Cyr
Directeur artistique et pédagogique : Alain Simon, comédien, metteur en scène, pédagogue, directeur artistique du Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Provence.
« En créant cette structure de formation, je tenais au principe d’un fonctionnement de 10 élèves en compagnonnage pendant un an, avec une identité forte, celle de compagnie avec toute la vie collective qu’elle implique. Je trouvais important qu’il y ait un équilibre entre les moments d’auto-formation et de formation car on apprend d’abord en faisant, en se trompant, en hésitant avec les autres. Mais en même temps, il fallait un responsable artistique qui mémorise l’essentiel des parcours, propose les travaux aptes à faire évoluer les élèves, commente les résultats, sans oublier de témoigner de ses propres conceptions et pratiques du théâtre. Différents intervenants plongent les élèves dans leur univers artistique et les amènent à développer leur aptitude à servir le parti pris d’un créateur sans perdre le lien avec leur parcours singulier : c’est important que les élèves soient à la fois sous influence et en même temps « maturent » leur propre point de vue sur le théâtre car il ne s’agit pas seulement de former des comédiens adaptables aux différents metteurs en scène mais surtout de favoriser l’émergence d’acteurs auteurs de leur travail. Apprendre par la pratique, apprendre en se confrontant aux autres, en coopérant avec eux, apprendre à avoir une vision personnelle tout en étant disponible à l’influence, pratiquer l’utopie et l’insérer dans le réel de son métier, être à l’écoute de sa sensibilité, de sa vision, bref respecter ce qui vient de soi et décliner sans cesse cette exigence : être un artiste. » Alain Simon
Les deux Déesses de Pauline Sales : Perséphone accueille les morts conduits par Hadès – 18 juin 2025 © Cagliari
Les séminaires
avec Jean-Marie Broucaret, comédien, metteur en scène, pédagogue, fondateur du Théâtre des Chimères de Biarritz et du Festival des Translatines : du 15 au 18 novembre
Jean-Pierre Ryngaert, professeur émérite à l’Institut d’études théâtrale de l’Université Paris 3, intervenant à l’ERAC : du samedi 10 au mardi 13 janvier
Stéphane Loras, responsable de la pédagogie au Ballet Preljocaj : mercredi 4 et jeudi 5 février de 15h à 18h au Pavillon Noir
Alex Grillo, compositeur, vibraphoniste, professeur d’improvisation à l’Institut d’enseignement supérieur de la musique Europe Méditerranée d’Aix-en-Provence et au CFMI d’Aix Marseille Université : jeudi 19 et vendredi 20 février
Alain Reynaud, clown des Nouveaux Nez & Cie, directeur artistique de La Cascade – Pôle national cirque Auvergne-Rhône-Alpes et du Festival d’Alba La Romaine (Ardèche) : mercredi 25 et jeudi 26 février
Travaux de recherche et d’expérimentation :
Ces présentations de travaux sont sous la responsabilité des élèves de « La compagnie d’entraînement ». La première soirée est consacrée aux théoriciens du théâtre : les élèves choisissent des textes théoriques qui les aident dans leur pratique d’acteur ; ils expérimentent en public les applications sur scène de ces découvertes (mercredi 17 décembre à 19h). La deuxième soirée est consacrée aux écritures scéniques : en considérant le plateau comme la toile du peintre ou comme la page blanche de l’écrivain les élèves comédiens proposent des séquences où ils abordent en même temps espace, textes, sons, déplacements…en faisant l’expérience d’être écrivain scénique (jeudi 5 mars à 19h). La troisième soirée est consacrée aux travaux de recherche : ils consistent à explorer, à partir de textes de l’auteur associé à la promotion et en sa présence, différents points de vue, expérimentant des partis pris opposés. (jeudi 9 avril à 19 h)
Les intervenants artistiques ayant dirigé des séminaires ou des masterclasses
Jeanne Alcaraz, Christian Benedetti, Jean-Louis Benoît, Pierre Béziers, Jean-Marie Broucaret, Emilio Calcagno, Christian Carrignon, Yann Collette, Laura Desprein, Agnès Dumouchel, Laure Florentin, Noëlie Giraud, Alex Grillo, Emma Gustavsson, Pascale Henry, Catherine Hiegel, de la Comédie française, Israël Horovitz, Valérie Marinese, Jeanne Mathis, Philippe Minyana, Alain Reynaud, Mohamed Rouabhi, Agathe Rouillier, Jean-Pierre Ryngaert, Guillaume Siard, Tania Zolty.
Les auteurs associés aux promotions depuis 1999-2000
1999-2000 : Israël Horovitz, 2000-2001 : Philippe Minyana, 2001-2001 : Emanuelle delle Piane, 2002-2003 : Hubert Colas, 2003-2004 : Eugène Durif, 2004-2005 : Noëlle Renaude, 2005-2006 : François Cervantès, 2006-2007 : Daniel Danis, 2007-2008 : Rodrigo Garcia, 2008-2009 : Pascal Rambert, 2009–2010 : Joël Jouanneau, 2010-2011 : Jon Fosse, 2011-2012 : Jean-Pierre Siméon, 2012-2013 : Dimitris Dimitriadis, 2013-2014 Frédéric Sonntag, 2014-2015 : Michel Deutsch, 2015-2016 : Dieudonné Niangouna, 2016-2017 Alexandra Badea , 2017-2018 Guy Régis Junior, 2018-2019 : Laurent Mauvignier, 2019-2020 : Marion Aubert, 2020–2021 : Matei Visniec, 2021-2022 : Pauline Peyrade, en 2022-2023 : Mariette Navarro, en 2023-2024 : Samuel Gallet, en 2024-2025 : Paulines Sales et en 2025-2026 Marc -Antoine Cyr.
« La compagnie d’entraînement » est soutenue par la Ville d’Aix-en-Provence et le Conseil général des Bouches-du-Rhône. Ses partenaires sont le Ballet Preljocaj, le Festival d’Art Lyrique – Service Passerelles, Les Bibliothèques Méjanes.
CALENDRIER DES PRÉSENTATIONS PUBLIQUES
Ces présentations de travaux sont sous la responsabilité des élèves de « La compagnie d’entraînement ».
Les monologues de travail : à partir de textes de l’auteur associé ces monologues de travail servent de banc d’essai dans les exercices pédagogiques et peuvent donc être expérimentés en fonction de différents axes de travail : mercredi 22 octobre à 19h.
Les monologues écrits par les élèves pour un de leurs camarades : mercredi 26 novembre à 19h.
Les théoriciens du théâtre : à partir de textes théoriques qui les aident dans leur pratique d’acteur, les élèves comédiens expérimentent en public les applications sur scène de ces découvertes : mercredi 17 décembre à 19h.
Les propositions chorégraphiques : sur une proposition du nouveau chargé de la pédagogie au Ballet Preljocaj, et en amont de deux ateliers de trois heures suivis d’une présentation publique au Pavillon Noir : mercredi 8 janvier à 19h.
Les écritures scéniques : en considérant le plateau comme la toile du peintre ou comme la page blanche de l’écrivain, les élèves comédiens proposent des séquences où ils abordent en même temps espace, textes, sons, déplacements, en faisant l’expérience d’être écrivain scénique : jeudi 5 mars à 19h .
Présentation des travaux sur la photographie : au cours de cette soirée, chaque élève présente dix photographies d’un de ses camarades de promotion. Prises avec un même appareil, avec la même optique, ces clichés permettent de comparer l’univers de chaque acteur à travers la vision de chaque preneur de vue. Caroline Pelletti Victor, photographe, commente leurs propositions avec le public : mercredi 25 mars à 19h.
Les travaux de recherche sur les textes de l’auteur associé à la promotion consistent à explorer, à partir de ses textes et en sa présence, différents partis pris propres à mettre en valeur plusieurs aspects de son univers : jeudi 9 avril à 19h. avant un séminaire de 3 jours avec Marc-Antoine Cyr.
Les plans séquences : chaque élève réalise cinq minutes de film sans montage. Ces travaux sont un rendez-vous entre le cinéma et le théâtre parce que les solutions à trouver pour filmer sans recours au montage sont transposables au théâtre Le vidéaste Fabien Leblanc commente chaque plan en public : jeudi 21 mai à 19h.
Noëlie Giraud, comédienne formée à l’école Jacques Lecoq, réalisatrice, dirige des ateliers d’entraînement physique selon la méthode Lecoq. Dates à fixer avec les élèves.
Les travaux de fin de séminaire
Les spectateurs assistent à la partie publique d’un travail qui a lieu sur plusieurs jours. Même si les intervenants et les élèves comédiens de « La compagnie d’entraînement » choisissent l’aspect qu’ils veulent montrer de leur parcours de travail, le public reste privilégié en partageant des moments qui habituellement restent confidentiels. Ces travaux peuvent prendre l’aspect d’une mini représentation, d’une séance de travail, ou d’une démonstration éclairant une thématique choisie (voix, corps dans l’espace, lumières…).
– Jean-Marie Broucaret, (Comédien, metteur en scène, pédagogue, fondateur du Théâtre des Chimères de Biarritz) : à l’issue de 4 jours de séminaire sur l’engagement du comédien : mardi 18 novembre à 20h30.
– Jean-Pierre Ryngaert, Professeur émérite Institut Théâtral Paris 3 Sorbonne nouvelle, intervenant à l’ERAC : à l’issue d’un séminaire de 4 jours, mise en scène de 30 à 40 minutes d’une partie d’une pièce de Marc Antoine Cyr, auteur associé : mardi 13 janvier à 20h30.
– Stéphane Loras, chargé de la pédagogie au Ballet Preljocaj, restitution de deux jours de travail chorégraphique au Pavillon Noir : jeudi 5 février au Pavillon Noir (heure à préciser).
– Alex Grillo, vibraphoniste, compositeur, professeur d’improvisation à l’Institut d’enseignement supérieur de musique d’Aix. Alex Grillo intervient depuis 2022 dans la formation de « La compagnie d’entraînement » par un séminaire de deux jours sur le sens et le son. Restitution de fin de séminaire : vendredi 20 février à 19h
– Alain Reynaud, clown des Nouveaux nez et Cie, (directeur artistique de la Cascade, Pôle national cirque Auvergne Rhône Alpes : restitution de fin de séminaire Clown : jeudi 26 février à 19h
Création d’un spectacle Jeune public Lecture plus, Le Magicien au corps sans âme conte d’Italie : depuis la création de “La compagnie d’entraînement”, Alain Simon confie pendant les vacances de printemps la création du dernier spectacle Lecture plus jeune public de la saison aux élèves comédiens, au terme d’un semestre de formation intensive sous sa direction artistique et pédagogique et après dix rencontres avec le public au Théâtre des Ateliers pour présenter leurs travaux de recherche ou de fin de séminaire. Cette première expérience d’un spectacle jeune public pour 5 représentations fait partie intégrante de leur formation : à 15 h, mercredi 8, mardi 14, mercredi 15 et jeudi 16 avril, et 2 à 3 séances scolaires dans le cadre des EAC après les vacances de printemps. (dates à confirmer avec les enseignants)
Création d’une pièce de l’auteur associé par « La compagnie d’entraînement » : Après avoir accueilli Israël Horovitz, Philippe Minyana, Emanuele delle Piane, Hubert Colas, Eugène Durif, Noëlle Renaude, François Cervantès, Daniel Danis, Rodrigo Garcia, Pascal Rambert, Joël Jouanneau, Jon Fosse, Jean Pierre Siméon, Dimitris Dimitriadis, Frédéric Sonntag, Michel Deutsch, Dieudonné Niangouna, Alexandra Badea, Guy Régis Junior en 2017-18, Laurent Mauvignier en 2018-19, Marion Aubert en 2019-2020, Matei Visniec en 2020-2021, Pauline Peyrade en 2021-2022, Mariette Navarro en 2022-2023, Samuel Gallet en 2023-2024, Pauline Sales en 2024-2025, le Théâtre des Ateliers propose à Marc Antoine Cyr d’être l’auteur associé à la promotion 2025-2026 de « La compagnie d’entraînement ». Après un travail de recherche sur ses textes présenté au public en sa présence, les élèves comédiens suivent un séminaire de trois jours avec lui et choisissent le texte qu’ils créeront en juin sous la direction artistique et pédagogique d’Alain Simon. Le nombre de représentations, sept au total, permet aux élèves comédiens de maîtriser tous les aspects de la mise en scène et de mesurer comment un spectacle évolue au 1cours des représentations : Jeudi 11, vendredi 12, samedi 13, mardi 13, mercredi 17, jeudi 18 juin à 20h30, dimanche 14 à 19h.
Marc-Antoine Cyr

“Gamin de l’Amérique, Marc-Antoine Cyr choisit Paris pour y passer sa vie d’homme. Il traîne dans sa poche un diplôme de l’École Nationale de Théâtre du Canada, et sur le bout de la langue quelques traces d’accent.
Son parcours théâtral le mène de Montréal à Rome, de Strasbourg à Quimper, de Marseille à Grenoble, de Beyrouth à Mexico, de Lyon à Londres. Quartett publie la plupart de ses textes, bien qu’il avoue quelques infidélités avec Dramaturges, Théâtrales et Lansman. Quand il n’écrit pas du théâtre, il invente des scénarii, voyage de par le monde, apprend des langues, enseigne aux apprentis auteurs de l’École du Nord ou codirige le festival du Jamais Lu Paris à Théâtre Ouvert. On remarquera aussi chez lui un appétit immodéré pour la littérature américaine, la théâtrographie entière d’Arne Lygre, les gelati pistache et les récits de Nicolas Bouvier”.
Bibliographie :
Les somnambules —- Quartett, 2023
Autant rester là (récit) —- Lévesque éditeur, 2021
Mille ans —- Quartett, 2019
Gens du pays —- Quartett, 2018
Ceux qui manquent —- Quartett, 2017
Je reviendrai de nuit te parler dans les herbes —- Lansman, 2016(coécrit avec Gustave Akakpo)
Malgré les exils multipliés (récit) —- Lévesque, 2015
Les paratonnerres —- Quartett, 2014
Les soleils pâles —- Lansman, 2014
Fratrie —- Quartett, 2012
Le passé est un grotesque animal —- Théâtrales, 2012
traduction de El pasado es un animal grotesco de Mariano Pensotti(Argentine)
Quand tu seras un homme —- Quartett, 2010
Je voudrais crever —- Dramaturges, 2009
Les Flaques —- Dramaturges, 2006
Le désert avance —- Théâtrales, 2006

De l’imitation des mythes
par Maryvonne Colombani | 24, Juin, 2025
S’inspirant du récit de celles que la mythologie grecque désignait sous l’appellation « les Déesses », autrement dit, Déméter et Perséphone, la dramaturge Pauline Sales compose un spectacle théâtral et musical créé en novembre 2024, Les deux déesses. Elle y articule le récit mythologique dans une perspective qui rejoint les préoccupations actuelles de l’écologie, du féminisme, de notre relation au corps, de la place de la femme dans nos sociétés mais aussi des relations complexes qui peuvent exister entre parents et enfants, entre mère et fille, et du passage à l’âge adulte. Le fil narratif est simple, Déméter harcelée par son frère Poséidon vient se plaindre à un autre membre de sa fratrie, Zeus, qui la viole, une enfant naît, Perséphone, qui à son tour sera enlevée par son oncle, Hadès, qui est le dieu des Enfers, le séjour des morts. Déméter désespérée refuse de faire pousser quoi que ce soit plongeant la terre dans une période de famine, tant qu’elle n’aura pas retrouvé sa fille. Un compromis sera scellé, Perséphone qui est attachée au monde des morts pour avoir mangé quelques grains de grenade, devra passer la moitié de l’année (ou trois mois selon les versions) auprès d’Hadès devenu son époux et l’autre partie à l’air libre avec sa mère. Ainsi naissent les saisons : l’automne voit mourir la nature et l’hiver est sans récolte, le printemps assiste à la réunion de la mère et sa fille et tout reverdit…
Les deux Déesses/ Pauline Sales / Théâtre des Ateliers © Cagliari
Petit détour par les mythes fondateurs
Les mythes fondateurs ne sont pas tendres, on le sait, guerres, trahisons, meurtres, enlèvements, viols, rien n’est épargné ! Cependant, chaque épisode est une manière de rendre compte du monde, des climats, des reliefs, des cycles des saisons… l’inexplicable de chaque époque y trouve une résolution et des façons d’affronter les difficultés. Loin du conte, le mythe ne commence pas par « il était une fois », chacun de ses protagonistes a une personnalité et des attributs bien définis, même si ces derniers évoluent selon les époques et les lieux de leurs récits (Artémis sera déesse de la fécondité à Éphèse et protectrice de la chasteté en Grèce !). Les versions de chaque récit sont multiples. Si l’on reprend le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal, les épisodes et les variantes pullulent. (….)
L’union de Zeus et de Déméter est dans la pièce un viol, dans d’autres textes, la déesse fera partie des épouses du roi des dieux, (…) Bref, « tout objet cosmique a une histoire. Cela veut dire qu’il est capable de « parler » à l’homme. Et parce qu’il « parle » de lui-même, en premier lieu de son « origine », de l’évènement primordial à la suite duquel il est venu à l’être, l’objet devient réel et significatif. Il n’est plus un « inconnu », un objet opaque, insaisissable et dépourvu de signification, bref, « irréel ». Il participe au même « Monde » que celui de l’homme » (Mircea Eliade, Aspects du mythe).
Rendre actuels les mythes
Le mythe explique, mais garde son épaisseur de mystère. Sa force réside là, dans sa capacité à pouvoir nous parler encore. Pauline Sales montre des femmes qui doivent se construire malgré les violences subies, exister par leur talent propre, la première par son pouvoir à rendre la nature fertile, la seconde se découvrira une puissante capacité d’empathie qui allège aux morts leur séjour dans le royaume d’Hadès. C’est par là qu’elle s’émancipe et trouve son nom : de Koré (« la jeune fille ») lorsqu’elle vit avec sa mère, elle devient Perséphone à partir du moment où elle règne sur les Enfers.
La pièce nous parle de la manière de se reconstruire après une violence subie, de la puissance de la vie, de la force des femmes qui ne s’enferment pas dans le ressassement de la douleur mais la dépassent, créent, décident. Déméter choisira lors d’une fête de mariage l’amour de Iasion, et le laissera, parce que libre, elle refuse de s’enfermer dans une relation quelle qu’elle soit. Perséphone exigera de sa mère qu’elle aime de la laisser indépendante et d’accepter le fait qu’elle ait grandi… L’amour mal compris peut aussi étouffer. La mère grandit aussi, grâce à son enfant.
Les deux Déesses/ Pauline Sales / Théâtre des Ateliers © Cagliari : Perséphone aux Enfers
« La compagnie d’entraînement » signait ici son travail final de l’année. Le choix de la pièce était le résultat du stage de trois jours en avril aux côtés de la dramaturge Pauline Sales, autrice associée à la promotion 2024-2025. Le directeur du Théâtre des Ateliers, Alain Simon, a d’abord laissé les jeunes comédiens se confronter au texte afin d’imaginer par eux-mêmes un casting, une mise en scène. Ensuite, les propositions sont analysées, replacées dans une vision d’ensemble, le casting un peu remanié, le rythme réorchestré en une dynamique plus vive.
Le résultat est remarquable de cohérence, de fluidité. La drôlerie vient en contrepoint du drame, les écueils du pathos sont évités avec finesse. La musique (Noé Das Neves (à la création sonore) et Loup Cousteil-Prouvèze) ne crée pas d’intermèdes mais se coule dans la narration comme une autre forme du discours qui passe par les voix parlées ou chantées en un même élan, le chant n’étant qu’une modulation autre de ce qui est mis en scène. Les mouvements scéniques, les changements d’acteurs et d’actrices selon les étapes de mûrissement des personnages, sont menés avec clarté et intelligence.
Les costumes inventifs désignent efficacement les différents protagonistes. Les références filmiques, picturales ou quotidiennes contribuent à une approche familière qui ne désacralise pas le mythe mais le rend accessible et en dessine les échos dans notre monde : lutte des femmes pour leur émancipation, des mouvements de la Terre pour la protéger alors que l’on constate à l’échelle du globe des pénuries alimentaires, de chaque être pour se construire…
La réécriture est fortement rythmée, portée par une troupe aussi enthousiaste qu’espiègle. Comment ne pas tous les citer : Paul Alaux, Matthias Borgeaud, Cléo Carèje, Loup Cousteil-Prouvèze, Noé Das Neves, Alice Nédélec, Mathilde Stassart, Sann Vargoz, Katja Zlatevska, dans les belles lumières de Syméon Fieulaine. N’oublions pas l’assistante stagiaire, Marianne Estrat. Quel superbe travail collectif ! Le final qui fait se rejoindre les trois interprètes de Déméter, comme dans les Trois âges de la femme de Klimt, et Perséphone qui l’accueille dans la mort est bouleversant.
Ce spectacle a été joué sept fois du 12 au 19 juin 2025 au Théâtre des Ateliers,
Les deux Déesses/ Pauline Sales / Théâtre des Ateliers © Cagliari : les jeunes filles agressées la nuit…
