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Articles de la catégorie ‘Veilles Théâtrales /Lectures augmentées/ Lectures’

23
Mai

Peter Brook l’influence -3

Peter Brook, l’influence – n°3

Lecture du Diable c’est l’ennui

par Jean-Marie Broucaret et Alain Simon

A l’annonce du décès de Peter Brook le 2 juillet dernier, alors que le programme de la saison n’était pas encore fixé, il a semblé évident que le Théâtre des Ateliers devait par des lectures faire connaître les écrits de ce metteur en scène tellement important pour l’histoire du théâtre contemporain.

Sous le titre de Peter Brook, l’influence, il fut décidé de consacrer trois soirées à la lecture de ses textes. Après L’espace Vide qu’ils ont lu en novembre, les extraits d’Entre deux silences présentés en Lecture augmentée en février par « La compagnie d’entraînement », Jean-Marie Broucaret et Alain Simon se retrouvent sur le plateau pour lire Le diable c’est l’ennui, en ultime hommage à ce metteur en scène qui les a profondément marqués dans leur parcours théâtral.

Au théâtre, l’ennui, tel le diable, peut surgir à chaque moment. Il suffit d’un rien et il vous saute dessus. Il guette, il est vorace ! Il cherche le moment pour se glisser de manière invisible à l’intérieur d’une action, d’un geste, d’une phrase. Au théâtre, dès qu’apparaît en moi l’ennui, c’est un clignotant rouge ! Peter Brook

 Tarif à 12€, réduit 8€

Peter Brook est parti pour son dernier voyage le 2 juillet 2022. Sans doute la période estivale n’a pas été propice aux hommages que le théâtre doit au metteur en scène qui concevait la scénographie comme « espace vide » pour l’« art autodestructeur » qu’est le théâtre.

Alain Simon, directeur du théâtre des Ateliers, a consacré trois soirées à la lecture des textes de l’artiste sous le titre générique de Peter Brook, l’influence. Ont déjà été données les lectures L’espace Vide (novembre 2022) et Entre deux silences (février 2023). Le troisième volet réunissait sur scène Jean-Marie Broucaret, comédien, metteur en scène, formateur, directeur artistique du Théâtre des Chimères à Biarritz entre autres activités et Alain Simon en un duo de haute volée sur une lecture augmentée du texte publié chez Actes Sud, Le diable c’est l’ennui. Il s’agit de la transcription des « leçons de théâtre » dispensées par Peter Brook lors des journées des 9 et 10 mars 1991 à l’Atelier du Chaudron à la Cartoucherie de Vincennes lors de sa rencontre avec les enseignants et artistes responsables des classes Théâtre et Expression dramatique des sections A3 de plusieurs lycées de France, sous l’égide de la Direction du Théâtre et des Spectacles au Ministère de la Culture. L’objet de ces journées s’organisait sur une réflexion autour du livre L’Espace vide (éditions du Seuil) inscrit alors au programme du baccalauréat. Le caractère vivant, le flux des mots, des détours de la pensée, leur spontanéité, sont remarquablement préservés dans cet ouvrage ponctué de courts exercices et de questions des participants.

Au théâtre des Ateliers, ces questions transcrites sur de petits feuillets sont distribuées par les deux acteurs à quelques spectateurs afin d’être formulées au moment opportun, mimant les échanges des séances de travail de la rencontre de mars 1991. Les interventions de Peter Brook se voient réparties entre les comédiens. La complexité de la pensée du metteur en scène anglais se voit ainsi soulignée, développée. Le terme de réflexion prend alors tout son sens : dialogue intérieur qui s’organise en une quasi dialectique profonde et argumentée. De longues assertions sont alors exposées, démontrées, puis infirmées pour trouver dans de nouveaux rebondissements, parfois opposés, des conclusions provisoires et neuves.

Le diable c'est l'ennui, pièce à partir d'un texte de Peter Brook a été jouée par Alain Simon et Jean-Marie Broucaret au théâtre des Ateliers

Photographie (© Théâtre des Ateliers) : démonstration des « coussins » lors de la conférence de Peter Brook, reprise avec jubilation par Alain Simon et Jean-Marie Broucaret

Les intonations, les rythmes varient selon les porteurs de paroles, lecteurs qui parfois se détachent du texte imprimé pour lever les yeux vers les spectateurs et s’adresser à eux, accordant une vie et une présence troublantes aux propos qui dessinent une poétique passionnante. 

On suit Peter Brook, seul devant un public dans l’ombre amphithéâtre, exigeant l’inconfort d’une petite salle où les gens se pressent, mais se voient, établissant une proximité qui rend le discours proche, l’ancre dans une réalité concrète, oblitérant tout type de relation surplombante. Dans l’amphithéâtre, Peter Brook raconte : « je me suis trouvé sur une plate-forme devant un grand trou et, quelque part tout au fond, des gens dans le noir. Alors que je commençais à parler, je sentais que tout ce que je disais, les mots qui se formaient dans ma bouche étaient absolument sans intérêt (…) J’ai découvert par expérience combien la relation que nous vivons actuellement, entre une personne qui parle et un groupe qui écoute, est importante. » Il montre alors sa transformation dans la relation autre qui s’instaure avec les autres personnes, « les questions comme les réponses venant beaucoup plus naturellement ». Nous le voyons jouer hors des théâtres, dans des cafés, des ruines, des places de village et constater combien est révélatrice l’expérience de jouer en voyant la tête des spectateurs. Cette « relation directe » transforme le jeu.

L'espace vide, Peter Brook

Au début, il insiste, « pour que quelque chose de qualité puisse advenir, il faut qu’un espace vide se crée. Un espace vide permet à un nouveau phénomène de prendre vie. (…) Tout ce qui touche au contenu, au sens, à l’expression même, à la parole, à la musique, aux gestes, à la relation, à l’impact, au souvenir qu’on puisse garder soi-même… tout cela n’existe que si cette possibilité d’expérience fraîche et neuve existe également. Or aucune expérience fraîche et neuve n’est possible s’il n’existe pas préalablement un espace nu, vierge, pur, pour la recevoir. » On aimerait tout citer, renouer le fil des phrases, dans leur légèreté d’expression, avec leurs mots simples et clairs, et leur profondeur. Reprendre la lecture, revenir au livre, le ressasser, tenter d’en préserver l’essence, s’en servir comme pierre de touche pour voir, écouter… le « spectacle » s’achève par un échange, une conversation au cours de laquelle Alain Simon et Jean-Marie Broucaret racontent, témoignent, combien le travail de Peter Brook a influé sur leur approche du théâtre, leur manière d’en faire, et de le transmettre. Il ne s’agit pas d’édicter des règles du théâtre, de proposer un cours magistral et dogmatique, mais de faire bouger les lignes, « d’ébranler les notions », de fuir « l’ennui (qui), tel le diable, peut surgir à chaque moment »…

« La seule justification de la forme théâtrale est la vie ». Une définition que ne peut renier le théâtre des Ateliers !

Le diable c’est l’ennui par Jean-Marie Broucaret et Alain Simon a été donné au Théâtre des Ateliers à Aix-en-Provence le 10 mai.

 

10
Mai

Conversation à Bilbao – Lecture Augmentée 2022

24
Mar

La Leçon de la Sainte-Victoire dans les pas de Peter Handke

Vidéo de la Lecture itinérante : https://youtu.be/XJdUXpeTq2A

 

29
Mar

Conversation à Bilbao

Conversation à Bilbao

de et par Jean-Marie Broucaret et Alain Simon

Le confinement de novembre nous avait privés de la venue de Jean-Marie Broucaret,  pour un séminaire avec “La compagnie d’entraînement” et deux rencontres sur le plateau avec Alain Simon.  Il revient à Aix le week-end prochain, en particulier le 2 au soir pour la lecture d’un texte à deux voix sur le théâtre, écrit par échange de mails entre lui et Alain Simon. Les deux comédiens s’étaient retrouvés pour se le lire à l’automne 2019 à Bilbao. Ils vont enfin pouvoir le faire au Théâtre des Ateliers d’Aix-en-Provence.

en direct sur zoom vendredi 2 avril à 20h30 –  https://youtu.be/2xo5PojBNGw

       Vous pouvez voir la captation faite  le 2 avril pour Zoom : https://youtu.be/2xo5PojBNGw

 

15
Nov

Apprendre à finir

Apprendre à finir de Laurent Mauvignier

Lecture augmentée par Elyssa Leydet Brunel, mise en scène Alain Simon

5
Oct

Veille Théâtrale 2019 :

Le jeu des Ombres de Louise Erdrich – 12 octobre 2019

Depuis plusieurs années, en partenariat avec Les Écritures Croisées, le Théâtre des Ateliers est complice de la Fête du Livre en proposant dans son lieu de la place Miollis des Veilles Théâtrales, lectures  d’une œuvre de l’auteur invité.  Pour la Fête du Livre 2019, Bénédicte Ménissier et Alain Simon se relaieront le samedi 12 octobre pour lire à partir de 20h30 depuis le début, le roman Le jeu des ombres de Louise Erdrich, et s’arrêteront au bout de 155 minutes.

“Irène s’aperçoit que Gil son mari lit en cachette son journal intime. Elle décide alors d’y écrire des choses fausses sur sa vie pour perturber son mari, en particulier que  leurs enfants ne sont pas de lui “. Cette fiction à l’intérieur du roman bouleverse sa dimension fictionnelle en lui donnant une étrange réalité. C’est comme au théâtre, le fantôme du père d’Hamlet est illusion puis qu’il s’agit d’une hallucination, mais comme il apparaît dans l’espace d’illusion qu’est le théâtre, par effet contre typique, le fantôme devient réel. C’est cette semblable mise en abîme que l’on trouve dans Le chemin des ombres qui nous a donné envie de lire ce roman au public. Alain Simon

Les portes du théâtre resteront ouvertes pour permettre à chacun de venir assister à la Veille selon ses disponibilités, et deux pauses seront ménagées pour se restaurer. Entrée libre dans le cadre de la Fête du Livre 2019

9
Mar

Lectures des Monologues

Avec ces monologues, dont les 3 premiers ont été créés en 2016, 2017 et 2018 au Théâtre des Ateliers, je voulais explorer une méthode d’écriture qui s’appuie sur le mythe de l’improvisation, je dis mythe car l’improvisation hante toutes les pratiques théâtrales sans toutefois aboutir à des créations.

Improviser pour moi est donc la possibilité de juxtaposer différents niveaux de langage, des événements sans lien rationnel les uns avec les autres mais en cohérence avec le parcours sensible de notre vie. Nous quittons une cohérence de « thème » pour une cohérence de lien où règnent les associations d’idées. Ce n’est pas une juxtaposition de textes sans lien apparent entre eux, ils sont reliés de façon souterraine comme ces îles isolées qui se découvrent à marée basse complètement rattachées entre elles, ne constituant qu’une seule entité…

Cette série de monologues est donc écrite selon une méthode d’écriture discontinue dans le propos et ininterrompue dans la forme, chaînes de mots évoquant images, pensées, embryons de réflexions philosophiques, fragments de vie, délires, visions, tentatives de retrouver l’instantanéité de la pensée. Les deux derniers monologues ont été écrits de la même manière, mais dans un enclos thématique, l’amour pour Aimer aimer et le deuil pour Paule. Ces performances de la parole correspondent à l’envie irrésistible d’exhaustivité en tentant frénétiquement de rendre compte de la densité du réel.  Cette pratique de l’écriture dont le but est d’être dite en public, ne décrit-elle pas au lecteur et futur spectateur le propre fonctionnement de ses pensées ? C’est le pari de ces textes”. Alain Simon

Pour écouter la bande sonore du spectacle Sous le signe du Chien enregistré en 2016 : http://youtu.be/_RljrjDikbg

Monologues paru aux éditions Rouge profond est diffusé par Harmonia Mundi. Il est disponible au Théâtre des Ateliers aux heures d’ouverture, le lundi toute la journée et les après midi de 15h30 à 20h30 au prix de 12 €uros.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

9
Oct

Veille Théâtrale “Cette chose étrange en moi” d’Orhan Pamuk

Vendredi 12 octobre à  partir de 20h30

Veille Théâtrale : Cette Chose étrange en moi d’Orhan Pamuk

Syméon Fieulaine et Alain Simon lisent 155 minutes du roman

Depuis plusieurs années, en partenariat avec Les Écritures Croisées, le Théâtre des Ateliers est complice de la Fête du Livre en proposant dans son lieu de la place Miollis des Veilles Théâtrales, lectures intégrales d’une œuvre de l’auteur invité.

Pour la Fête du Livre 2018, Syméon Fieulaine et Alain Simon se relaieront  pour lire à partir de 20h30  et depuis le début, le roman Cette Chose étrange en moi d’Orhan Pamuk, et s’arrêteront au bout de 155 minutes.

Les portes du théâtre resteront ouvertes pour permettre à chacun de venir assister à la Veille selon ses disponibilités, et une pause sera ménagée pour se restaurer. L’entrée est libre.     

   La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l’histoire de ses amis 

 et

Tableau de la vie à Istambul entre 1969 et 2012 vue par les yeux de nombreux personnages.

” Ces sous-titres du roman définissent bien ce qui nous a donné envie de proposer cette lecture ! Un narrateur raconte l’histoire de Mevlut, le personnage principal, et puis le père, le cousin, toute une galerie de personnages viennent s’adresser au lecteur, à la première personne, pour lui donner leur point de vue ! Et le livre nous restitue une place de village grouillante de voisins, de familles, que la civilisation rurale nous offrait et  dont nous avons été dépossédés  en nous exilant dans les villes ! En même temps Orhan Pamuk, en patient entomologiste, nous fait le cadeau des infinis détails qui nous permettent l’immersion dans cette saga stambouliote”. Alain Simon

 Créateur lumières de toutes les créations du Théâtre des Ateliers  depuis 1997,  Syméon Fieulaine est comédien, metteur en scène, directeur artistique de la compagnie Les faiseurs de pluie. Chercheur en Sciences humaines et sociales, il crée à Chalon/Saône Mythologic Factory, plateforme créative d’interventions artistiques pour le lien social.

 En partenariat avec Les Écriture Croisées, dans le cadre de la Fête du Livre 2018 

Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature 2006, invité des Écritures Croisées à Aix en Provence –

« Le piéton d’Istanbul » ……

155 minutes…

Le Théâtre des Ateliers proposait, avec 155 minutes de lecture de Cette chose étrange en moi, un délicat prolongement de ces rencontres autour de l’œuvre du « graphomane intraitable » qu’est Orhan Pamuk. Le temps minuté, clin d’œil à John Cage et son célèbre 4’33’’, peut « laisser la lecture s’achever au milieu d’une phrase, comme lorsque l’on s’endort sur un livre », précise Alain Simon (elle s’est arrêtée à la page 83, NDLR). Le texte se partage avec son complice Syméon Fieulaine, en une esthétique de la surprise qui empêche toute monotonie, passages aux longueurs aléatoires, dialogues narrés ou joués à deux, exhibition de larges étiquettes au nom des protagonistes lorsque le récit est pris en charge par l’un d’entre eux dans ce texte aux points de vue multiples. « Orhan Pamuk a interviewé nombre de personnes dont l’âge correspondait aux époques successives de son livre, et la saveur des mots, des phrasés s’y retrouve, authentique », rappelle Alain Simon. « L’auteur, en patient entomologiste, nous fait le cadeau des infinis détails qui nous permettent de nous immerger dans cette saga stambouliote ».

La vie dense et fourmillante d’Istanbul de 1968 à 1982 (pour la partie lue ce soir-là, mais le roman nous conduit jusqu’en 2012) prend chair, animée de la vivacité des voix des lecteurs, qui ajoutent aux mots leur intelligence, en font ressortir la subtilité. « Plus on entre dans la lecture, plus on s’oublie, on a l’impression que l’auteur est à côté de nous, et nous parle… Le rythme profond du texte émerge, et nous emporte dans sa cadence » confie Alain Simon. À la pause, chacun peut savourer le goût de la boza, boisson emblématique du vieil Istanbul, que vend le héros de son roman, Mevlut. Délices de la synesthésie !

MARYVONNE COLOMBANI
Octobre 2018

La Fête du livre consacrée à Orhan Pamuk a eu lieu les 11 et 12 octobre à Aix-en-Provence

La 18e Veille théâtrale s’est déroulée le 12 octobre au Théâtre des Ateliers

 

17
Oct

Veille théâtrale 2017 Là-haut vers le Nord de Joseph Boyden

“Sa mère lui avait appris une distance. Pour se rappeler ce qu’on a sur le bout de la langue, disait-elle, il ne faut jamais forcer la mémoire car il n’y a pas grand chose de bon qui vient de la force. Oublie ce que tu veux te rappeler : le souvenir se sentira seul et reviendra de lui-même.”….

 Pour connaître un pays, on peut bien sûr y aller, on peut se documenter en lisant des livres d’histoire et de géographie, mais on peut aussi faire appel à la littérature. Eh bien, la lecture des nouvelles écrites par Joseph Boyden m’a précipité dans l’univers du Canada, sans crier gare, je dirais presque avec brutalité. Loin des guides touristiques, mon imaginaire  s’est déclenché sur ce pays avec ses lacs, ses forêts, ses loups, ses ours, ses oies sauvages, ses huttes de sudations, ses motos-neiges, ses indiens, la violence des rapports entre ses habitants dispersés dans cette nature infinie, l’alcool, la police tribale, ses réserves et ses parcs naturels…Et  le style d’écriture de Joseph Boyden m’a semblé ne faire qu’un avec les paysages physiques et humains  de ses nouvelles. J’ai retrouvé dans Là-haut vers le Nord le mystère que je projetais enfant dans la période du Moyen Âge, avec là aussi ses forêts profondes et ses légendes. La Fête du Livre  nous permet une fois encore de nous immerger dans une  littérature inédite. Alain Simon
 
Ancienne élève de Jacques Lecoq, Noëlie Giraud, a joué au Footsbarn Theater et dans la création de Macha Makaïef  Les Apaches. Depuis 2014, elle fait partie de l’équipe artistique de Lecture Plus, action en direction du jeune public du Théâtre des Ateliers.
 

Alain Simon

Noëlie Giraud

 

 

Minuit, fin de la Veille théâtrale…

19
Oct

Malaise dans la civilisation de Sigmund Freud

info-veille-freud-page-001“La civilisation a toujours été animée par un  combat entre la pulsion de vie et celle de mort et  nul ne peut présumer du succès et de l’issue 

 Il y a quelques années, j’invitais Jean-Marie Broucaret à lire ce texte de Freud. Convaincus tous les deux de son intérêt, nous envisagions alors de lire l’intégralité de ce texte dans le cadre d’une Veille théâtrale. Ce projet se réalise cette saison, dans un contexte qui lui donne encore plus d’intérêt ! Nous avons cru à l’irréversibilité du progrès et nous voyons à la lumière de cette crise que le vernis civilisationnel est fragile ! Freud nous invite à prendre en compte notre part archaïque qui si elle est par trop négligée risque de nous imposer le resurgissement de dérives barbares…  A. Simon

Jean-Marie Broucaret et Alain Simon sont complices de longue date  pour des lectures souvent données dans le cadre  des Écritures Croisées, lors de Veilles théâtrales ou de lectures-performances comme l’ont été à Aix-en-Provence et à Bayonne Vers une intégrale de Don Quichotte en 1999 et la lecture intégrale de Cent ans de solitude en 2013. Comédien, metteur en scène, directeur artistique du Théâtre des Chimères et du Festival de Théâtre Franco ibérique et Latino  américain de Bayonne qu’il a fondé en 1980, Jean-Marie Broucaret rejoint avec Malaise dans la civilisation Alain Simon pour leur septième Veille théâtrale à lire ensemble. Elle sera reprise au Théâtre des Chimères à Biarritz le 4 décembre.

 Veille Théâtrale mode d’emploi :  Il y aura deux pauses d’un quart d’heure, au cours des quelles vous pourrez vous restaurer, chacune après une heure cinq de lecture. La dernière partie durera 35 minutes. Vous pourrez alors si vous le souhaitez rencontrer les comédiens.

Alain Simon et Jean-Marie Broucaret, 3 novembre 2016 cl. Cagliari

Alain Simon et Jean-Marie Broucaret, 3 novembre 2016 – cliché Cagliari

Compte rendu envoyé par Michel Morin

Au Théâtre des Ateliers : Sigmund Freud discute avec Freud Sigmund des malaises et des malheurs de la civilisation.

Rien de tel en pleine folie collective qu’un retour aux textes des vieux sages. Acteurs-spectateurs des désastres de leurs contemporains quelques-uns de nos  grands antécédents ont eu le courage tranquille de vouloir comprendre et expliquer  les étranges aléas de la quête du bonheur et les déraisonnables emballements de la violence et de la haine dans les sociétés humaines. Montaigne a montré la voie il y a longtemps quand les massacres des guerres de religion ravageaient l’Europe. Freud il y a moins longtemps,  confronté à la montée irrésistible des fascismes, a pris la distance et le temps d’écrire en 1929 un curieux essai qu’il a intitulé «  « Das Unbehagen in der Kultur », traduit  par « Malaise dans la civilisation ».  Ce texte circule maintenant en Francophonie avec l’intitulé labellisé : « Le Malaise dans la culture ».  Il y a quelques jours Alain Simon a eu la bonne idée de présenter dans son théâtre une lecture de ce texte qui s’est révélé pour ses auditeurs d’une étonnante actualité.

A l’extérieur les télés continuaient à banaliser l’image des massacres, des noyades et des camps de concentration modernes pour immigrés ; les français apprenaient laborieusement que le mot Brexit annonçait peut-être un nouvel appel à une néo-Jeanne d’Arc pour sauver la patrie contre l’ennemi héréditaire et les sauvages envahisseurs ; préparés par des experts sondeurs internationalement qualifiés, le grand public ignare et le petit public informé attendaient avec curiosité le remplacement d’un noir par une vieille intrigante au pays des cow-boys. On ne savait pas encore que le gagnant  serait  un vieux clown appelé Donald, lubrique et fier du colt qu’il porte toujours sur lui.

Alain Simon -Cliché Cagliari

Alain Simon -Cliché Cagliari

C’est dans ce contexte dérouté et déroutant  que les portes du théâtre se sont ouvertes à qui voulait venir. Les visiteurs se sont sagement installés sur les gradins inconfortables habituels. Ils se sont retrouvés dans le noir et la lumière a éclairé le plateau. En dessous d’eux. une longue table, deux lampes, deux hommes, Alain Simon et  Jean-Marie Broucaret, avec pour chacun un tas de feuillets bien rangés à l’épaisseur plutôt rassurante. Ils ont commencé à lire en alternance. Les mots n’intimidaient pas. Ils parlaient  bonheur,  souffrances, amour, mort, sexe, enfant,père, mère, violence , agressivité, culpabilité . Quand des mots concepts venaient, surmoi, moi, castration , complexe, instance,  pulsion de mort, ils étaient patiemment définis, expliqués et discutés.  Peu à peu on comprenait que les deux lecteurs qui s’interrompaient gentiment ne se disputaient pas mais se discutaient. C’était une pensée  au travail qu’on entendait et qu’on voyait dans le jeu du dédoublement des lecteurs.  L’humour et  l’ironie virulente de Freud ou de Sigmund se mêlaient à des aveux de doute et des déclarations de modestie[1]. Ils permettaient de démolir tranquillement avec aplomb ou de ridiculiser illusions, croyances et mots d’ordre religieux avant d’affirmer la possibilité de connaissance de l’inintelligible quand on se détache  des crédulités défensives enkystées dans les délires collectifs et les soumissions paresseuses.

Jean-Marie Broucaret - Cliché Cagliari

Jean-Marie Broucaret – Cliché Cagliari

Le public a ri avec Freud quand  il met  en doute le commandement chrétien « Tu aimeras  ton prochain comme toi-même »  qui selon Freud Sigmund aurait pu être mis en pratique plus facilement s’il disait «  aime ton prochain comme il t’aime lui-même » mais deviendrait de moins en moins accepté aujourd’hui comme hier s’il disait  « aime tes ennemis ». L’auditoire  a écouté jusqu’au bout avec une gravité de plus en plus silencieuse quand les échanges et les alternances de parole des deux lecteurs se sont précipitées et que le pessimisme des deux Freud s’est rejoint pour le constat impitoyable de l’inéluctabilité de la force des pulsions de mort et les évidences du détournement de l’énergie de l’Eros dans la violence contre l’autre et contre soi.. Les analogies ambigües du processus du développement de  l’individu et de la culture et la beauté esthétique des constructions et des mythes de la recherche psychanalytique ne devenaient finalement rassurantes que pour des optimistes intemporels. Heureusement le dialogue avec Freud mis en scène par les médiateurs du Théâtre des Ateliers reste ouvert[2]

                                                                                                              (Michel Morin, 11 novembre 2016)

[1] “Aucun ouvrage ne m’a donné comme celui-ci  l’impression aussi vive de dire ce que tout le monde sait, et d’user de papier et d’encre et par suite, de mobiliser typographes et imprimeurs  pour raconter des choses qui , à proprement parler vont de soi” ( (p70  ed. PUF,  1971)

[2] pour accéder aux enregistrements des textes et événements présentés au Théâtre des Ateliers voir WWW.theatre-des-ateliers-aix.com

Fin de lecture.... Cliché Cagliari

Fin de lecture…. Cliché Cagliari